Chronique :

Après Morts sur la lande et Des véritées cachées, les éditions l'Archipel publient la huitième enquête de Vera Stanhope. La publication de cette série est assez étrange. En effet, les titres cités sont disponibles au format poche, et il s'agit des tomes 2 et 3 de l'édition anglaise ; Une affaire classée est sortie en grand format et correspond au tome 8. Quid des autres romans ? J'ai bien peur qu'ils ne voient jamais le jour en français, et c'est bien dommage. C'est en lisant les livres que j'ai réalisé à quel point la série collait aux personnages et à l'ambiance voulus par l'auteure. Et ça, c'est quelque chose de très appréciable. Au moins, il est évident que son œuvre a été respectée.

Nous voici donc à nouveau dans le Northumberland, une région aux paysages aussi impressionnants que stressants, du moins dès que la météo est un peu triste. De vastes campagnes battues par les vents, où l'auteure réside, et c'est là que l'on comprend mieux sa capacité à en restituer l'atmosphère si particulière. Dans cette histoire, Vera se trouve dans l'obligation d'aller faire un petit speech à la prison du coin auprès d'un groupe de prisonniers malades ou handicapés. Sur place, elle retrouve un ancien collègue, atteint de sclérose en plaques, qui purge une longue peine pour avoir commandité un meurtre. Mais l'homme a aussi un lien direct avec Vera : il était le meilleur ami de son père. Alors lorsque ce dernier lui propose un marché en échange d'informations sur une disparition jamais élucidée, l'inspectrice accepte. Cette enquête va la mener non pas à un meurtre, mais à deux. Une histoire complexe qui va la pousser dans ses derniers retranchements.

J'ai beaucoup aimé l'histoire, qui correspond parfaitement aux souvenirs de l'épisode correspondant. Elle est assez complexe, sans toutefois tomber dans l'excès, et j'avoue que, jusqu'à la fin, j'étais persuadée de tenir le coupable. Je me trompais, bien entendu mais, contrairement à certains romans, l'identité du meurtrier ne tombe pas comme un cheveu sur la soupe et reste très cohérente. Je n'en dirai pas plus pour ne pas spoiler. Le rythme peut paraître lent parfois, car l'auteure s'attache beaucoup à la psychologie et à la vie des personnages, et c'est aussi ce qui fait le charme de ses enquêtes. Il correspond bien à Vera, qui ne fait jamais les choses vite, qui prend son temps pour bien comprendre chaque protagoniste de son enquête, et c'est souvent cela qui la conduit à la vérité.

Les personnages sont excellents et, dans ce tome, je donnerais une mention spéciale aux personnages secondaires, surtout à La bande des quatre. Ils vont vivre l'histoire et chacun d'eux possède un caractère très marqué qui sert l'intrigue, explique leurs réactions et la manière dont ils ont pris les choses en main, chacun de leur côté. L'ensemble est très humain, il est facile de se dire que ce sont juste des salauds, mais c'est plus compliqué que ça. Et cela donne un résultat savoureux.

Le style d'Ann Cleeves colle à cette ambiance très psychologique, très proche de la découverte du quotidien de ces ruraux plus ou moins sympathiques. Il ne déborde pas d'énergie, mais il est ciselé, sensible aux détails, et reflète parfaitement l'ambiance voulue par l'auteure. C'est lui qui donne de la profondeur à la fois à l'intrigue, mais aussi aux personnages. J'adore !

Vous l'aurez compris, je suis conquise par cette enquête, comme par les précédentes, et je regrette le traitement fait à cette série. Les autres tomes sortiront-ils dans le plus parfait désordre ? Je l'ignore, mais si l'éditeur abandonne la série, je la lirai en VO.