Chronique :

L'envol de Moby Dick est un recueil de nouvelles qui nous présente l'évolution d'un personnage central, Alexandre Cantovella. Suite à son vécu dans la première nouvelle, il finira policier et intégrera la fameuse Brigade Spéciale, chargée d'enquêter sur des affaires où le surnaturel a la part belle. Pour chaque histoire, le lecteur sent que l'auteur a fait des recherches et construit son intrigue sur des bases solides, qu'elles soient historiques, mythologiques ou scientifiques. L'ensemble est bien fait et offre un divertissement intéressant, même si parfois le style manque de maturité et aurait mérité un travail d'édition plus poussé. Par contre, il y a une chose que je n'ai pas comprise : trois nouvelles ne concernent pas la Brigade Spéciale. L'une est placée au début, une autre au milieu, et une dernière à la fin. Pourquoi ce choix ? Si leur intérêt ne démérite pas, il aurait mieux valu les réunir, cela aurait évité une rupture dans le rythme de ces enquêtes. Cela dit, ce recueil mérite d'être découvert. Petite revue de chaque nouvelle.

- Bansìdh : passionnée d'ésotérisme, Cléore emmène son mari Alexandre dans les méandres du réservoir de Ménilmontant. Là, le couple assiste à un phénomène extraordinaire qui va durement impacter la vie du couple et mènera Alexandre, des années plus tard, à la Brigade Spéciale. Si l'histoire est intéressante et bien menée, j'ai trouvé le style trop fade et trop immature pour déclencher de réelles émotions chez moi.

- Le jour inverti : le docteur Moreau reçoit sept télégrammes d'un dénommé Albert Robida, tous envoyés à la même heure, le même jour. Pourtant, il les reçoit à intervalles irréguliers. Ce dernier voudrait lui présenter une source d'énergie illimitée. Piqué au vif, le docteur Moreau se rend sur place et découvre un étrange village. La pluie y tombe à l'envers ! L'inspecteur Cantovella est là lui aussi, pour mener l'enquête sur ce village dont la population disparaît mystérieusement. Une histoire très intéressante, avec plusieurs personnages issus de l'imaginaire, ou réels, comme Robida.

- Le théâtre de Pygmalion : l'une des histoires sans Cantovella. Niels Jorgensen enquête sur la disparition de sa dulcinée et de sa sœur jumelle. Pour cela, il s'intéresse à un mystérieux théâtre qui a réalisé une statue des sœurs, juste avant leur disparition. Il découvre alors les recherches horribles d'un homme désireux d'atteindre l'immortalité. J'ai trouvé l'histoire sympathique, mais la fin pas assez détaillée et, encore une fois, j'aurais aimé qu'elle soit placée ailleurs dans le recueil. Elle interrompe les enquêtes de la Brigade Spéciale, et cela fait bizarre.

- Les lois du temps : pour se faire peur, deux jeunes garçons visitent une usine abandonnée où personne ne pose jamais les pieds. L'apparition puis la disparition d'un homme sous leurs yeux les terrifie. La Brigade Spéciale est appelée à la rescousse et découvre les restes d'une formidable invention pour voyager dans le temps. L'histoire est très bien menée, dynamique et sans temps morts. Le style s'affirme et se développe.

- Le noyé du deuxième étage : un homme meurt noyé dans de l'eau de mer, dans son appartement. L'affaire est bien sûr confiée à la Brigade Spéciale qui va découvrir un étrange manège autour de tableaux miroirs. Une très belle idée, bien racontée et bien construite.

- Le hameau maudit : seconde nouvelle sans Cantovella, qui brise complètement le rythme des enquêtes de la Brigade Spéciale. Une journaliste, pas très futée, décide d'enquêter sur un village dont personne n'a de nouvelles. Malgré une pancarte marquée "Peste écarlate, péril mortel", elle s'obstine. Une histoire intéressante, même si le postulat de départ m'a paru un peu trop tiré par les cheveux (la journaliste, connaissant la peste écarlate, qui rentre dans un village contaminé la fleur au fusil).

- Caprice funeste : l'inspecteur Cantovella est appelé sur une scène de crime peu ordinaire. Un pianiste est mort momifié devant son piano après avoir joué une partition. Une histoire très sympathique, qui se base à nouveau sur des éléments historiques, ici l'histoire de la musique.

- Les larmes de la fée verte : deux hommes, ouvriers en grève, sont retrouvés morts, les yeux brillants d'une étrange lumière verte. Cette nouvelle fait la part belle au fantastique, mais aussi à l'histoire avec le récit d'une grève dure dans une usine du XIXe siècle. J'ai trouvé le mélange très agréable, les détails des rouages de la grève très bien racontés, et l'ensemble assez tonique et bien réussi. Une très bonne enquête de Cantovella.

- Le saut de l'express numéro 56 : l'auteur utilise à nouveau un fait historique, le fameux accident de l'express 56 qui, incapable de s'arrêter en gare, traversa le mur du bâtiment pour rester suspendu dans le vide, touchant juste le trottoir. Un accident où il n'y eut qu'une seule victime, écrasée par la locomotive. Là aussi, une science très steampunk est à l'origine de l'accident et l'histoire se tient bien, avec un bon rythme et une résolution maîtrisée.

- L'envol de Moby Dick : ma nouvelle préférée. Même si Cantovella est de nouveau absent, j'ai adoré l'histoire de ce scientifique qui parvient, par hasard, à créer une intelligence mécanique qu'il va installer dans un dirigeable pour la rendre mobile. Toute la partie racontant le développement de cette intelligence est très bien racontée et la seconde, axée sur les déboires du scientifique et de sa machine contre un ambitieux homme d'affaires est parfaite. J'ai adoré. Rien que pour cette nouvelle, ce recueil vaut le détour !