Résumé :

"Il était deux heures et demie du matin et il pleuvait. Dans la Ville, il était toujours deux heures et demie du matin et il ne cessait de pleuvoir. " Imaginez une réalité virtuelle créée à partir de tous les films noirs de Hollywood des années quarante et cinquante. Imaginez maintenant que son créateur ne soit autre que Truro Daine, le plus grand truand de toute l'histoire de l'humanité. Et si son corps est enfermé en prison à perpétuité, son esprit n'en a pas moins pris la poudre d'escampette dans la Ville où il règne en maître. Tom Tunney et Susan Bishopric, deux créateurs de Rêves, infiltrent la Ville, incarnés en émules de Humphrey Bogart et de Gene Tierney. Leur mission : abattre Daine, l'homme capable de plier la réalité à sa volonté. Heureusement qu'ils connaissent leurs classiques...

Chronique :

Après avoir tenté Kim Newman et ses aventures du professeur Moriarty, j'ai décidé de changer totalement d'ambiance pour voir si cet auteur parvenait à me convaincre. Ce n'est malheureusement pas le cas, et pourtant l'idée de départ d'Hollywood Blues est excellente.

Dans ce roman, l'auteur nous expédie dans le futur (du moins, il faut le supposer) pour découvrir un monde où la réalité virtuelle occupe une place de choix. Cette dernière fait appel aux Rêveurs, des personnes douées d'un talent inné pour créer un univers et des histoires originales, histoires qui peuvent être récompensées par le prestigieux prix Rodney. L'une de ses réalités virtuelles est utilisée pour palier au problème de surpopulation des prisons : les autorités envoient les prisonniers dans la Ville, pendant que leurs corps sommeillent dans un coin. Voilà pour l'univers, et le lecteur n'en saura pas plus. Et je vous avoue que c'est le principal point qui m'a dérangée : le manque d'informations. Parce que très vite, de nombreuses questions se posent, et je n'ai pas aimé ne pas avoir de réponses. Alors certes, certains me diront que l'auteur laisse le lecteur imaginer les choses, broder autour de ce nœud central qu'il fournit, mais pour moi, ce n'était pas assez.

L'histoire se concentre sur Tom et Susan, deux Rêveurs, l'un prisonnier de la Ville, et l'autre envoyée lui donner un coup de main salutaire. Car Tom s'est laissé absorbé par le Rêve que Truro Daine, criminel au casier judiciaire impressionnant, a modifié pour lui servir de cocon où tout lui serait permis. Et Tom a oublié qui il était, il s'est laissé bouffer par son personnage de film noir américain. Et là, je mets le doigt sur la richesse de ce roman : les très nombreuses références aux vieux films noirs américains, avec des personnages qui portent des noms célèbres comme Cary Grant, Raymond Burr ou Rhonda Fleming. Alors si votre culture en la matière n'est pas très développée, vous passerez certainement à côté de pas mal de choses, mais globalement cela passe bien. Par contre, puisqu'il s'agit d'un Rêve, les événements sont parfois bizarres, voire loufoques, et le héros ne meurt jamais, bien entendu. Alors, parfois, cela donne lieu à des passages un peu longs et, même, désagréables. J'aime les choses qui sortent de l'ordinaire, mais quand la couche est trop épaisse, je glisse dessus sans en profiter.

Côté personnages, je m'attendais à ce que le côté détective privé américain de Tom soit davantage marqué par l'esprit des films noirs, puisque c'est l'unique base qui nourrit le Rêve et, sur la même idée, Susan paraît un peu terne, alors que j'imaginais une héroïne flamboyante, car c'est ainsi qu'elle semble s'imaginer dans ses rêves. Même chose pour Truro Daine qui, sous prétexte qu'il est insaisissable, devient presque transparent. Peut-être est-ce à cause des dialogues, assez plats, que les deux héros ne m'ont pas davantage convaincue, ou de cette manie de l'auteur de ne pas vouloir approfondir des choses qui, pourtant, aideraient le lecteur à mieux s'immerger dans son univers. L'ensemble m'a déçue, je dois bien l'avouer, alors que l'idée de départ me semblait géniale. Dommage.

Hollywood Blues, Kim Newman

Folio SF

350 pages