Le criminel, Jim Thompson
Auteur : Lauryn Libellés : PolicierRésumé :
Un criminel, c'est utile à tout le monde. Qu'il soit coupable ou non importe peu. La presse s'en sert pour augmenter ses tirages. Les politiciens l'utilisent en vue des élections. Les habitants de la ville peuvent ressasser leur haine tranquillement. Et les avocats trouver une cause à publicité. Quant à l'accusé lui-même, dans quel état en sortira-t-il ?
Chronique :
J'avais découvert Jim Thompson avec son adaptation de L'homme de fer, puis 1275 âmes qui, déjà, était un roman à part. Je voulais donc poursuivre mon exploration de son œuvre et ma moitié m'a prêté Les alcooliques. J'ai décroché dès le troisième chapitre, tant le début et un délire prompt à vous dégoûter de le lire. Je me suis rabattue sur Le criminel (1953), et j'avoue que c'est une découverte très intéressante, surtout du point de vue de la construction narrative.
Dans ce roman, l'histoire n'est pas vraiment importante. Elle est d'ailleurs très basique : Robert Talbert, adolescent un peu perturbé, viol et tue une amie d'enfance. En réalité, le roman explore tout ce qui se passe autour de cet événement, avec la réaction de nombreux protagonistes. Les parents, les voisins, les journalistes, le DA... Beaucoup de points de vue s'entrecroisent et l'auteur a choisi de laisser s'exprimer chacun à travers des chapitres consacrés. Le lecteur passe donc d'un point de vue à un autre, et sa vision de l'histoire s'enrichit grâce à cela. Il assiste à un défilé de réactions plus ou moins favorables à l'adolescent, à la manière dont chacun gère la situation et, bien entendu, à une critique très sombre de la société en générale et du système américain en particulier. Il s'aventure aussi sur le terrain - un peu glissant - de la responsabilité du criminel. Car, ici, il faut bien le dire, la victime est loin d'être un ange. On pourrait même conclure de son comportement général "qu'elle l'a bien cherché". Une analyse un peu brute, froide et sans concession, qui pourrait expliquer - en plus de sa construction narrative particulière - que ce roman n'est pas marché à l'époque.
De mon côté, j'ai apprécié cette découverte et j'applaudis la prouesse de l'auteur pour sa construction audacieuse qui, à aucun moment, ne perd le lecteur dans des digressions qui n'apportent rien. Son plan est parfait et permet de découvrir et de s'attacher à des personnages qui, sinon, seraient passés au second plan et n'auraient joué qu'un rôle mineur. À lire, rien que pour ça !
Disponible en poche chez Payot.
Le criminel, Jim Thompson
Fayard Noir
191 pages