Les nuits rouges de Nerwood, Gilles Bornais

Auteur : Lauryn Libellés :
Résumé :

Angleterre, 1892. Edmund Ambrose, brillant député Conservateur est retrouvé assassiné à coup de hache dans sa propriété du Somerset. La même nuit son rival Libéral est grièvement blessé d’une décharge de chevrotines. Le ou les agresseurs se sont enfuis à travers la forêt d’Avon. Le détective Joe Hackney, un ancien malfrat, cynique et boiteux est envoyé par Scotland Yard pour aider la police locale. Au milieu des bois, il mène une traque qui prend vite des allures de descente aux enfers.

Chronique :

Quatrième volet des enquêtes de Joe Hackney, ancien malfrat devenu détective à Scotland Yard, Les nuits rouges de Nerwood démarre sur un double crime : un assassinat et une agression. La femme de la première victime, soupçonnée du second crime, a disparu, visiblement kidnappée par le meurtrier de son mari. La police locale, débordée, fait appel au Yard et c'est Joe qui s'y colle. Ce début prometteur fait miroiter au lecteur une enquête dynamique, incisive et pleine de rebondissements. Malheureusement, la réalité est tout autre : ces crimes font place à une chasse à l'homme qui s'éternise avec des incohérences et des bizarreries qui amènent le lecteur à se demander où l'auteur veut en venir. En parallèle à cette poursuite, l'enquête pure traine la savate et, le moins que l'on puisse dire, c'est que Joe ne s'avère pas très futé, parfois. On a presque envie de lui botter les fesses pour le réveiller. C'est certainement voulu de la part de l'auteur pour maintenir le suspense mais le résultat n'est guère convaincant. On s'ennuie plus qu'autre chose. Tout au long du livre, on a peu d'informations à se mettre sous la dent, les divers éléments sont ou extraordinaires, ou très brouillons, si bien qu'on ne soupçonne personne et, pire, on ne comprend même pas les raisons du crime ou le modus operandi. C'est, en fait, très agaçant à la longue. Les premiers éléments qui éclaircissent l'histoire n'arrivent que tardivement et, du coup, la chute paraît presque trop brutale par rapport au reste. Cette dernière, d'ailleurs, est racontée du point de vue d'un autre personnage, ce qui peut provoquer un éloignement de cette scène et la rendre moins poignante. On a presque l'impression de lire un rapport de police. Vu le motif du crime, c'est plutôt dommage.
La vision de l'auteur sur la campagne anglaise de l'époque est assez effarante. Tout le monde est moche, mal foutu et mal fagoté ; les paysans sont des pochtrons invétérés (picoler jusqu'à 3 H du mat pour partir bosser à 5, no problem) et, bien sûr, stupides, y compris dans leur domaine de compétence (c'est un Londonien qui vient leur apprendre qu'un cochon affamé peut se servir sur un cadavre et ça les choque, les pauvres !!!). Bref, le trait est grossi à l'extrême de ce côté-là et ça dessert l'histoire plus qu'autre chose.

Côté personnages, ils sont assez bien décrits avec, pour les plus importants, un passé tortueux ou douloureux qui permet de leur donner une réelle profondeur. Mais là où le bât blesse, c'est au niveau de leurs capacités. Joe, ex-criminel jamais coincé et détective du Yard paraît presque moins futé que son ami Ashby, indic et fan des combats de coqs. Comme dit plus haut, on a parfois envie de le secouer ce policier, histoire de lui faire recouvrer sa lucidité. C'est agaçant et peu crédible par rapport à ce qui est dit des qualités du personnage.

L'auteur a choisi de raconter son histoire à la première personne, du point de vue de Joe. L'ennui, c'est que ce dernier est rarement seul (sauf au tout début, en fait) : il est toujours accompagné soit d'Ashby, soit d'un ou plusieurs policiers. Du coup, la narration à la première personne est assez fatigante et peu immersive en ce qui concerne les ambiances ou les descriptions. Seuls certains passages bénéficient de l'effet produit par le récit de Joe, mais ça n'est pas suffisant sur la durée.

Au final, malgré un début d'histoire alléchant, ce roman est une déception. Entre la pénibilité de l'enquête, le personnage peu convaincant de Joe et la fin décevante après une longue traque où les indices ont cruellement manqué pour maintenir un intérêt, ce roman ne m'a franchement pas emballée. Ce ne sera peut-être pas votre cas si vous aimez cogiter sans réelle avancée avant de découvrir le pot-aux-roses dans les dernières pages.

Les nuits rouges de Nerwood, Gilles Bornais
Éditions du Masque
430 pages
7,20 euros
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