La Somme des Rêves, Nathalie Dau
Auteur : Lauryn Libellés : Fantasy
Résumé :
Les Mages Bleus, servants
de l’Équilibre, ont été décimés, mais l’un des leurs a
survécu au prix de son honneur, motivé par le besoin impérieux de
transmettre la vie.
Le jeune Cerdric, né
bréon de la noble famille Tirbald, va, quant à lui, affronter une
mère qui ne l’a pas désiré, un monde qui semble incapable de
l’aimer.
Et si la solution à ses
tourments résidait dans la Marche voisine, là où vit son
mystérieux père, en exil ?
Mais au terme de son
voyage, Cerdric recevra surtout le poids d’un secret terriblement
lourd à porter : celui de la Somme des Rêves, une espérance de
renouveau pour ceux qui refusent de s’incliner devant les dieux…
Chronique :
L'illustration de
couverture, magnifique, est signée Mathieu Coudray. Autant les
couleurs – à dominante bleue – que la scène choisie
représentent à merveille le contenu du livre.
Nous découvrons donc,
dans ce premier tome, la vie pour le moins compliquée de Cerdric,
enfant non désiré par sa mère et dont la naissance a été cachée
à son père, un Mage Bleu en exil. Il est le narrateur de sa propre
existence, prenant la plume alors qu'il est âgé, en quête d'un
dernier espoir pour illuminer ses vieux jours. Puis il reprend le
cours de sa vie, se raconte, depuis l'adolescence jusqu'à l'âge
adulte. Le lecteur découvre un enfant torturé, mal aimé, à la
recherche constante d'affection qu'il n'obtiendra jamais. Il sait
qu'un terrible secret pèse sur lui et, à neuf ans, lorsqu'il le
découvre, son univers déjà fragile s'effondre. Il est le fils d'un
Mage Bleu, un hérétique qui a renié son ordre pour sauver sa vie.
C'est lui, l'épine qui empêche Cerdric d'avoir une vie normale, de
profiter au mieux de son titre de bréon. Dès lors, il oscille entre
deux sentiments contradictoires : l'envie de rencontrer son père
et le désir de l'enterrer au plus profond de son être, atterré par
ce qu'il représente. Lorsque, pour sa majorité, il reçoit un
présent et une lettre de ce dernier, Cerdric ne réfléchit pas,
n'hésite pas : il quitte son château sans explications et
fonce vers les Herbeuses rencontrer celui dont il attend beaucoup.
Cet acte va déclencher une série de catastrophes qui vont le jeter
plus bas que terre. Sa seule joie ? Son frère, celui dont
l'Énigme de Namuh espère le renouveau... à laquelle, pourtant,
Cerdric aimerait le soustraire. Parce que son espoir, à lui, est
tout autre.
Le choix du personnage
narrateur, Cerdric, est ici très important car il donne toute la
force au récit. Si plusieurs autres personnes sont importantes dans
l'histoire, le garçon n'en demeure pas moins le noyau central. Tout
tourne autour de lui, de sa vie et, surtout, de ses choix. Du coup,
le lecteur est littéralement aspiré dans la tourmente d'une série
d'événements plus dramatiques les uns que les autres, au point que
l'on a du mal à décrocher pour interrompre sa lecture. On ne veut
plus quitter Cerdric et sa terrible existence, avec cette question :
jusqu'où iront ses malheurs ? Les rares moments de bonheur
qu'il vit paraissent presque décalés tant le reste n'est que
souffrance et désillusion. S'il apprend de ses erreurs, la leçon
est amère.
Une histoire puissante,
donc, empreinte de force et de magie. J'ai trouvé cette dernière
originale, travaillée avec soin et plutôt éloignée des poncifs
habituels. L'univers de l'auteur est de même, mélangeant tradition
médiévale et magie innovante, mêlées de poésie. Sans être
compliqué, bourré de créatures aux noms imprononçables, il est
attirant, complexe et très hiérarchisé. Le lecteur s'y plonge avec
délice pour découvrir ses multiples facettes sans jamais s'ennuyer
ou soupirer de frustration parce qu'il se mélange les pinceaux entre
les différents royaumes, intrigues politiques, races et obédiences
magiques. Nathalie Dau parvient à rendre son univers limpide, alors
même qu'il recèle une immense richesse. On sent la nette influence
de la mythologie, qui pourra peut-être gêner certains, mais moi je
me suis régalée. Un vrai plaisir !
Les personnages sont, à
mon sens, le moteur de l'histoire. Cerdric en premier, évidemment,
puisqu'il est le narrateur et le principal protagoniste, celui dont
tout découle. Grâce à cela (narration en « je »), le
lecteur le découvre en profondeur, mettant son âme à nu. Rien ne
nous échappe, si bien que l'on ressent une puissante empathie qui se
décuple au fur et à mesure de la progression du récit. J'ai
rarement eut l'occasion de profiter d'un tel ressenti vis-à-vis d'un
personnage et j'avoue que la satisfaction de la lecture s'en trouve
décuplée. Les personnages secondaires sont eux aussi très réussis,
avec une mention spéciale pour la mère de Cerdric, odieuse et
mauvaise comme il se doit sans toutefois tomber dans les clichés
rasoirs de la méchante de service dont on à peine à cerner les
motivations. Ici, pour chacun, nous savons à quoi nous en tenir,
pourquoi ils agissent de telle ou telle manière et l'on se surprend
parfois à les comprendre, même si l'on s'exclame « le
salaud ! ». Rien n'est laissé au hasard. Une maîtrise
aussi parfaite des différents protagonistes se voit rarement, et
c'est bien dommage !
Le style de l'auteur est
poétique et enlevé à la fois, efficace dans les scènes d'action,
précis et détaillé dans les descriptions. Il permet de vivre
pleinement l'histoire et, personnellement, j'ai attaché beaucoup
d'importance aux détails qui foisonnent : sur les coutumes, les
paysages, la vie quotidienne... j'adore ce genre de plongée au cœur
des choses, j'apprécie de comprendre et connaître au mieux ce qui
encadre l'histoire. Je trouve que, grâce à cela, le récit est
sublimé, le monde prend une véritable texture, ce qui me paraît
important surtout en Fantasy où les repères ne sont pas les mêmes
que pour une histoire se déroulant dans notre univers. Là aussi,
une belle réussite.
Je me suis fait une
petite frayeur, toute seule comme une grande. En feuilletant le
livre, j'ai vu qu'il y avait une trentaine de pages d'annexes. Je me
suis dit « eh merde » parce que c'est le genre de truc
que je déteste, en règle générale. Les index, les glossaires de
races, les listes à rallonge de personnages dont on oublie la moitié
des noms, les cités, les guildes et j'en passe... si, lors de ma
lecture, je ressens le besoin de consulter un glossaire, c'est
mauvais signe. Je n'aime pas devoir interrompre ma lecture pour
chercher de l'aide, parce que cela veut dire que j'ai décroché, à
un moment ou à un autre, à cause d'un monde trop « lourd ».
Richesse ne signifie pas forcément foultitude d'informations.
J'ai terminé le livre
sans ressentir ce besoin, je me suis donc dit : pourquoi des
annexes ? Eh bien en réalité, elles sont d'un genre très
inhabituel. Il s'agit d'extraits de journaux permettant de découvrir
plus avant certains aspects de l'univers, comme les fêtes et le
calendrier, par exemple. Il y a aussi deux nouvelles (Cosmogonie et
Ton visage et mon cœur), publiées précédemment chez d'autres
éditeurs. Une belle surprise et un sacré soulagement pour moi !
Ce roman, vous l'aurez
compris, m'a transportée dans l'univers chamarré de Nathalie Dau.
Original, puissant, poétique, décalé par rapport aux histoires de
Fantasy classique dont on se lasse de plus en plus, c'est une belle
découverte à faire d'urgence ! En cette fin d'année, il sera
à sa place au pied du sapin de Noël. Lancez-vous !
Le Livre de l'Énigme,
tome 1, La Somme des Rêves
Nathalie Dau
Éditions Asgard
398 pages
19 euros
1 commentaires |
Je l'ai dans ma PAL depuis un bon moment, il faudrait que je m'y mette !
La superbe couverture attire le regard :) J'ai le livre dédicacé par l'auteure, elle est très sympa !