Chronique :

Ce recueil présente des nouvelles se déroulant au cœur de la Belle Époque avec, disséminés au fil des pages, des textes très intéressants sur cette période. Monstres de foire, psychanalyse, spiritisme, femmes fatales... ils permettent de mieux connaître certains aspects particuliers de cette période. Un vrai plus dans cette anthologie. De même, la variété des textes est agréable et chacun pourra y trouver son compte. Globalement, j'ai apprécié ma lecture et certaines nouvelles m'ont vraiment accrochée.

Comme souvent dans un recueil de nouvelles (surtout avec des auteurs différents), le ressenti varie en fonction des textes et je vais donc vous les présenter un par un :

Baudelaire et Gautier, les dernières correspondances de Delphine Schmitz : Charles Baudelaire vient de mourir de la syphilis. Son ami, Théophile Gautier, se remémore ses derniers instants, avec une petite phrase qui le hante : "Le bateau ! Vous vous souvenez ?". Une allusion à une étrange aventure qui va plonger Théophile dans un rêve pour le moins réaliste. Et si tout cela était vrai ? Une nouvelle intéressante, bien écrite et bien pensée, dont la chute m'a beaucoup plu. Une réussite.

Brume de guerre de Philippe-Aurèle Leroux : durant la Commune, le petit Gabriel Roche meurt sur les barricades en ramenant des munitions pour ses amis. Du moins, c'est ce que l'on croit. Ayant survécu, devenu adulte, Gabriel souffre physiquement de ses anciennes blessures, mais aussi mentalement. Il désigne les gens qui vont mourir à la guerre. Tout le monde le croit fou. Une histoire très sympathique, avec un final intelligent et bien amené. Le style manque parfois de régularité.

Une mèche de cendre de Chris Vilhelm : un psychiatre lance un défi à un journaliste en devenir. S'il passe une nuit dans sa demeure familiale abandonnée et lui ramène une preuve de son séjour, il acceptera de le laisser écrire un article sur ses travaux. L'endroit est, bien entendu, auréolé d'une sombre histoire. J'ai bien aimé le début même si, parfois, l'auteur prend des raccourcis qui provoque un décalage avec le ressenti du héros (au début de son séjour, il est mort de peur, sans véritable raison. Il manque quelque chose). Mais là où le bas blesse vraiment, c'est la fin : je ne l'ai pas comprise et, du coup, cela m'a gâché ma lecture. Là aussi, je pense qu'il manquait quelques explications.

Même si nos peurs ne meurent jamais de Népenth S. : deux orphelins au passé douloureux se lient d'amitié et se soutiennent mutuellement pour supporter l'épreuve de l'orphelinat. Un texte assez poétique et plutôt bien mené, avec le point de vue des deux adolescents qui permet d'avoir le ressenti de chacun.

La fée mutilée de Alexandra Fiordelli : un riche dilettante se prend de passion pour la médecine et, lors d'une visite dans une foire aux monstres, découvre une fée amputée de ses ailes. Il s'agit là d'une allégorie dont j'ai eu du mal à saisir la nature. Apparemment la fée représente quelque chose, mais je n'ai pas compris quoi. Je suis passée à côté de ma lecture.

Ma belle époque de Alex Mauri : une femme à barbe écrit à ses parents pour leur donner de ses nouvelles après son éjection du domicile familial. Elle tient, ainsi, à leur témoigner tout son mépris et à leur dire combien son nouvel état la satisfait. Une nouvelle efficace qui, par son format, met un peu de distance entre le lecteur et l'histoire, mais avec une belle plume.

L'ombre de soi-même de L. Azarii : cette nouvelle raconte un tournant de la carrière de Sarah Bernhardt, où le cinéma concurrence le théâtre et où la comédienne commence à souffrir de sa jambe, qui finira emportée par la gangrène. Présentée sous forme de pièce de théâtre, elle offre au lecteur des diatribes de l'actrice qui rendent honneur à son talent. Un très beau texte.

La Danseuse rouge de Caroline Blineau : si j'ai bien compris, c'est l'histoire d'un journaliste qui tombe fou amoureux d'une danseuse. Le récit, étrange, est beaucoup trop métaphysique à mon goût. Peu de choses m'ont paru claires, je n'ai pas du tout adhéré.

L'Œil du photographe de Tepthida Haye : un journaliste en herbe tente d'écrire un papier sensationnel sur l'énigmatique Théophile Delfosse, photographe très en vue. Il découvre la raison pour laquelle ce dernier parvient à produire de si envoûtantes photographies... pour son plus grand malheur. Une histoire bien écrite, tout en nuance sur l'aspect fantastique, et qui fonctionne très bien.

Nuit de Aaron Judas : le spirite Alan Kardec décide de relever un défi afin de prouver l'existence des esprits. Mais cette expérience le conduit bien au-delà de tout ce qu'il pouvait imaginer. Très bien écrite, cette nouvelle est vraiment intéressante et le final agréable. Il laisse le lecteur déduire le pourquoi du comment, en fonction de son ressenti et de sa culture personnelle. J'ai beaucoup aimé.

Esprit es-tu là ? d'Andréa Deslacs et Catherine Loiseau : une jeune femme, embauchée comme domestique chez une comtesse aux dons de spirite, se retrouve dans une situation bien délicate. Prenante, oppressante et très bien rendue, cette histoire est ma préférée du recueil.

Ici commence la seconde partie du recueil, dédiée à la réécriture d'œuvres classiques plus ou moins connues.

Béance de Mahaut Davenel : inspirée des Trous du masque de Jean Lorrain, cette histoire met en scène une sorte de vampire à la recherche d'une échappatoire à sa condition. Bien écrite, la nouvelle retranscrit bien le désespoir de cet homme sans avenir.

Les Yeux des serpents de Cyril Fabre : inspirée du Bonheur dans le crime de Barbey d'Aurevilly, cette histoire souligne à quel point il est facile de basculer dans le crime. Écrite en langage parler et souvent très cru, elle plonge le lecteur dans la vie d'un homme qui se complait dans le crime, sans y trouver quoi que ce soit de répréhensible. Efficace et bien mené, avec un comte pour le moins original.

Accord triton sur ma sensibilité de Nolwenn Pamart : inspirée de Penses-tu réussir ! de Jean de Tinan, cette nouvelle se concentre sur les états d'âmes amoureux d'une jeune femme à la recherche du bonheur. Je n'ai pas été très emballée, certainement parce que cette thématique ne m'intéresse pas du tout.

Ses mains de Florence Barrier : inspirée de La mère aux monstres de Guy de Maupassant, cette nouvelle teintée de fantastique relate l'histoire d'une femme qui aimerait ne pas subir les outrages du temps. La tension monte crescendo et le final est un vrai plaisir. Très sympa.

Licorne borgne de Guillaume Lemaître : je n'ai pas vu de note indiquant de quel texte est inspiré cette courte nouvelle. Elle met en scène un couple de drogués désireux d'avoir un enfant par mère porteuse afin d'éviter une déformité à la naissance. Trop court à mon goût, il est le prétexte à une morale pourtant bien vraie.