Résumé :

"Glissez-vous dans l’intimité d’un troll le temps de quatre aventures qui font trembler la terre jusqu’aux tréfonds des mines les plus obscures. Bien sûr, pour cela, vous allez devoir franchir les falaises du Désespoir, affronter les périls du col des Assassins et vous enfoncer dans les marais de la Mort sinueuse, mais ne vous inquiétez pas : après, c'est fléché. Et, avant, mieux vaut savoir que, s’il faut qu’un troll s’habille pour une occasion spéciale, il convient de le prévenir dix ans à l’avance. Surtout, n’oubliez jamais que l’eau ferrugineuse est un fléau qui ravale le troll au rang de l’homme. Alors, vous qui entrez ici, laissez toute espérance ainsi que vos affaires personnelles au vestiaire. Et n’oubliez pas de rapporter vos notes de frais." Ayerdhal.

Chronique :

Ah, le Troll, ce personnage peu sympathique, lourdaud et un tantinet stupide ! Un géant rocheux tout juste bon à écraser les plus petits sur son passage, une machine à broyer idéale pour les combats de masse. Voici une vision des choses que la compagnie de Chef (lui connaît son nom, c’est déjà bien suffisant) va reléguer au rang de cliché sans saveur. Certes, ce Troll, responsable d’une mine de nains acharnés de la pioche, est grand, costaud, et amateur du jeu main gauche main droite lorsque c’est nécessaire. Mais il est aussi attaché à sa mine, à ses ouvriers, et même, comble de tout, à son stagiaire. Non, il n’est pas souffrant. Juste différent. Et, loin d’être stupide, parfaitement conscient que les Hommes qui le dirigent sont des gens âpres au gain, pressés, ardents défenseurs du progrès, quoi qu’il en coûte. Tiens, ne vient-on pas d’effleurer des phénomènes de société ? Eh bien si. Car voici, selon moi, le véritable tour de force de ce recueil : aborder des thèmes actuels, des dérives que tout le monde a constaté un jour, en les traitant avec humour et en les adaptant à un univers de Fantasy. Cette mine, cette entreprise, avec ses plannings de rendement et sa hiérarchie bien structurée, nous rappelle à tous des souvenirs et lorsqu’un employé bien intentionné veut se tourner vers l’avenir, on devine où cela va mener.

Au travers de quatre nouvelles, l’auteur promène donc Chef à travers cette évolution que tous semblent souhaiter, sauf lui. A-t-il simplement peur du progrès et a-t-il raison d’avoir peur ? Nous voilà amenés à réfléchir, à nous dire que oui, bon nombre des situations décrites correspondent à une part de notre quotidien, et ce sympathique Troll n’en apparaît que plus attachant, le seul de toute la bande à avoir encore les pieds sur Terre. Ou plutôt sous Terre, dans son cas. Ces histoires décalées deviennent un champ de réflexion sans jamais se prendre trop au sérieux, sans jamais oublier cet humour qui demeure la pierre angulaire du livre. À travers ses personnages, tous plus barrés les uns que les autres, on s’amuse de leurs mésaventures, on se moque de leur manière d’appréhender le futur et son cortège de nouveautés. Et cela fait un bien fou.

Cerise sur le gâteau, le style de Jean-Claude Dunyach colle vraiment bien au traitement de ses histoires. Racontées du point de vue du Troll, elles sont toujours servies par une belle fluidité, par un dynamisme salvateur et, bien entendu, par la manière souvent très drôle qu’il a de voir les choses avec ses yeux de Troll. Mode, beauté, rites amoureux, tout y passe et donne au personnage principal une dimension à la mesure de sa stature.

Si vous ne connaissez pas Jean-Claude Dunyach, ce recueil peut vous permettre une agréable découverte et, si c’est déjà le cas, il vous comblera à coup sûr !

L’instinct du Troll, Jean-Claude Dunyach

Éditions l’Atalante

187 pages

10,50 euros