Morts Dents Lames, anthologie

Auteur : Lauryn Libellés : ,
Présentation de l'éditeur :

Morts Dents Lames est une collection de textes sanglants, dérangeants, morbides et violents. Tout ce que la littérature lissée du moment n'offre plus aux lecteurs en mal de sensations fortes.
Rangez vos couteaux et vos lames de rasoir, les auteurs de cette anthologie ont sorti les leurs pour vous découper des tranches de vies aux petits oignons. De l'inquisiteur pervers, de l'anatomiste fou, du cannibale improbable au légiste pointilleux, de la fille innocente à l'adolescent complexé, la victime se cache parfois là où on ne l'attend pas.

19 nouvelles, 19 expériences de ce que la violence fait de mieux.




Chronique :

Tout d'abord, un petit avertissement avant de plonger plus avant dans le contenu de cette anthologie : le thème. Il s'agit d'une ode à la violence, les textes sont donc très sanglants pour la plupart. Âmes sensibles s'abstenir.

Ceci étant dit, voici que l'on attaque le fond du problème et, comme pour beaucoup d'anthologie, il se résume à une disparité en terme de qualité des textes ; surtout au niveau du style. Elle est parfois notable et pourra décevoir le lecteur en quête d'une anthologie plus homogène de ce point de vue. Question de goût. On peut trouver cela dommage ou non, suivant que l'on apprécie ou pas de découvrir des plumes très différentes, plus ou moins abouties. Regardons le sommaire de plus près.

Anatomie, une histoire de l'âme, d'Olivier Caruso : un professeur vit de ses démonstrations d'anatomie, se procurant des cadavres de façon plutôt cavalière. Lorsqu'un inconnu le contredit sur ses théories concernant l'âme humaine, il se laisse entraîner dans une spirale infernale. Une histoire bien sympathique, glauque à souhait sans pour autant exagérer sur le côté sanglant de la chose, avec un final teinté de fantastique.

Le chef-d'œuvre, de Rébecca Borakovski : un meurtrier prend plaisir à concevoir une musique d'un type bien particulier. Une histoire originale qui aurait mérité une construction un peu plus aboutie.

Le sang des cailles, de Mathieu Rivero : en Égypte, un embaumeur se voit confier le corps de son propre frère. Il en profite pour mettre en place une vengeance qu'il estime justifiée. Un texte superbe, construit d'une main de maître avec tous les détails nécessaires pour comprendre les différentes étapes de l'embaumement et leur objectif, sans pour autant se perdre dans des explications à rallonge. Un style abouti lui donne toute sa force : mon préféré, et de loin, dans cette anthologie.

Biocarburant, de Christian Jannone : Dudu, biker, utilise un carburant d'un genre très particulier. Son réseau d'approvisionnement est bien huilé, jusqu'au jour où un détail vient enrayer cette belle machine. Une histoire somme toute pas très originale, au style assez maladroit et peu immersif (récit du point de vue de Dudu). L'ensemble paraît bâclé, comme si l'auteur avait été pressé de finir sa nouvelle. Du coup, le côté violent n'apparaît que peu développé.

Les petits crayons rouges, de Nolween Eawy : le destin tragique de trois enfants, malmenés par leurs parents, qui vont basculer eux aussi dans la violence. Un récit sombre, glauque, avec juste ce qu'il faut pour obtenir l'effet escompté.

Les frangins du 77, de Lilian Bezard : deux frères, dont l'un souffre d'un handicap, sombrent dans la violence par désœuvrement. Une situation de départ trop stéréotypée à mon goût, avec des personnages caricaturaux, et un côté sanguinolent outrancier. Le style, peu percutant, m'a définitivement éloignée du récit.

Ils, de Yves-Daniel Crouzet : une jeune femme est agressée à son domicile par des inconnus. Un récit gore, avec un petit côté fantastique, plutôt bien raconté.

Tic-tac, de Clémence Rochat : un criminel s'en prend à des femmes ayant une petite fille. Un récit assez étrange, où tout apparaît en filigrane, jamais franchement décrit.

AnnA, de Siana : une meurtrière raconte ses méfaits. Un récit très métaphysique, au style littéraire marqué, qui m'a laissée un peu au bord du chemin. La manière dont le personnage décrit ses crimes et, surtout, ses pensées, m'ont totalement perdue.

Adelphe Ambroisie, de Vincent De Roche-Clairmont : un enfant devient l'accompagnateur d'un inquisiteur. Il finira bourreau. Ici, la violence est intimement liée au sexe. L'histoire, bien construite, m'a parue un peu longue et je n'ai pas adhéré au côté sexuel du récit (en règle générale, je n'aime pas ce genre de parallèle, donc aucune surprise).

Entrez, dit-il, de Thomas Spok : un homme tombe en panne de voiture en pleine campagne. Il va se réfugier chez Bernard, un gars en apparence bien sympathique. Cette nouvelle m'a laissée franchement dubitative. En plein milieu du récit, j'ai eu l'impression qu'il en manquait un bout : on passe du coq à l'âne sans la moindre transition. Du coup, l'effet est tombé à plat, alors que l'idée de base m'avait plutôt accrochée.

Le Thriller of Mouton Gris, de Gaëlle Étienne : un jeune garçon solitaire sombre dans la violence. Une histoire pas très originale, servie par un personnage caricatural à souhait (le garçon moche, mauvais à l'école, bon à rien, mal dans sa peau, etc...) avec une chute sans la moindre surprise. Un récit qui traîne trop en longueur pour venir percuter le lecteur.

L'homme à la pelle, de Christelle Lafont : une jeune femme est retenue captive par un homme inquiétant, armé d'une pelle. Une histoire sympathique mais dont je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la chute. Celle-ci, au contraire d'autres récits de l'anthologie, aurait mérité un traitement un peu plus long.

AD 2010 de Jeff Balek : une tranche de vie de deux amis, militaires envoyés en Afghanistan, l'un devenu handicapé et l'autre désirant venger ce dernier. L'histoire paraît franchement en décalage par rapport au reste des textes car les personnages n'emploient que des armes à feu (Morts Dents Lames, vraiment ?). La narration, qui alterne les points de vue de manière brutale, n'aide pas à rentrer dans le récit. Associée à un style assez maladroit, cela ne donne pas quelque chose d'agréable.

Poupée Larsen, de Mathieu Fluxe : un homme et une femme échangent leurs souffrances respectives grâce à un rituel vaudou. Une histoire intéressante, plutôt bien racontée même si l'on sent que le style a besoin de mûrir encore.

Le baiser de Simon Soavi, de Guillaume Lemaître : l'histoire plutôt originale d'un tueur à gages. Intriguant, dérangeant, mêlant l'horreur et le fantastique, le tout raconté d'une manière plutôt efficace.

La cité, de Florence Freguin-Schneider : un homme vit dans une cité pourrie, abandonnée à son sort par la ville. Il découvre, à ses dépends, qu'il aurait mieux fait de la quitter. Une histoire simple, percutante, dont le style m'a paru pourtant trop léger. Mais la chute vaut le coup !

Quelques grammes d'humanité, de Christian Perrot : une femme, violée et battue à mort, voit son âme s'élever en une entité vengeresse. Un récit vite expédié, dans tous ses aspects : l'histoire globale, les scènes de violence, tout va trop vite. Le lecteur n'a pas le loisir de s'accrocher à quoi que ce soit, d'autant que le style demeure globalement maladroit.

Sous sa peau, de Pénélope Labruyère : un médecin légiste est appelé sur un cas de cadavre écorché vif qui va vite tourner à l'obsession. Une histoire plutôt bonne mais qui m'a perturbée à cause des scènes de flash-back qui la ponctuent. C'est souvent une méthode de narration qui me gêne pour suivre un récit, mais c'est aussi, comme pour beaucoup de points, une question de goût.

Une anthologie très variée, donc. Il y en a pour tous les goûts ! Histoires longues, courtes, plus ou moins sanguinolentes, plus ou moins psychologiques, historiques ou non... de tout, vous dis-je ! Si les changements assez marqués de styles ne vous rebutent pas, essayez donc, ne vous retenez pas. Rien que pour la nouvelle de Mathieu Rivero, je ne regrette pas !
À noter pas mal de coquilles dans l'epub.

Morts Dents Lames
Éditions La Madolière
201 pages
13 euros pour la version papier ; 3,99 euros l'epub
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Chroniques des littératures de l'imaginaire (jeunesse ou adulte), avec aussi du polar et du thriller. Lecture papier, auteurs édités ou auto-édités. N'hésitez pas à me contacter si vous souhaitez me proposer un SP.

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