Even dead things feel your love, Mathieu Guibé
Auteur : Lauryn Libellés : Fantastique
Résumé :
Au terme de votre vie, à
combien estimez-vous le nombre de minutes au cours desquelles vous
avez commis une erreur irréparable ? De celle dont les conséquences
régissent d’une douloureuse tyrannie vos agissements futurs
jusqu’au trépas. Mon acte manqué ne dura pas plus d’une
fraction de seconde et pourtant ma mémoire fracturée me renvoie
sans cesse à cet instant précis tandis que la course du temps
poursuit son inaltérable marche, m’éloignant toujours un peu plus
de ce que j’ai perdu ce jour-là. Je me demande si notre dernière
heure venue, les remords s’effacent, nous délestant ainsi d’un
bagage bien lourd vers l’au-delà ou le néant, peu importe. Puis
je me souviens alors qu’il s’agit là d’une délivrance qui
m’est interdite, condamné à porter sur mes épaules ce fardeau à
travers les âges, à moi qui suis immortel.
L’amour ne devrait jamais être éternel, car nul ne pourrait endurer tant de douleur.
Cette chronique est parue sur le site Mythologica.
Chronique :
Lord Josiah Scarcewillow,
vampire de son état, revient au domaine familial après avoir écumé
de sa soif de sang la ville de Londres. Il fait la rencontre
d'Abigail dont, très vite, il tombe éperdument amoureux. Décidé à
vivre l'éternité aux côtés de la jeune femme, il va vouloir la
transformer en vampire, avec son consentement. Mais rien ne se passe
comme prévu et les événements dérapent, échappant à son
contrôle.
L'histoire d'amour
constitue le centre de l'intrigue du roman, point névralgique à
partir duquel tous les événements se développent. Deux choses
m'ont vraiment gênée dans cette histoire : les ficelles du
scénario, souvent trop faciles, et la vision du vampire. Cet être
sans âme, dénué d'émotions (qui, pourtant, ne cesse d'en
éprouver), ce monstre insensible (terme répété beaucoup trop
souvent à mon goût), qui ne peut être éliminé qu'avec un
projectile dans le cœur, la lumière du soleil ou l'absorption d'eau
bénite (je me suis posé pas mal de questions sur ce dernier point).
Bref, je n'ai pas été convaincue par cette vision des choses, car
pour moi Josiah est justement un être torturé par ses émotions et
non une coquille vide subissant les événements sans rien éprouver.
Alors peut-être ai-je raté quelque chose mais lorsque l'auteur ne
cesse de répéter que son personnage est un monstre incapable de
ressentir des sentiments, j'ai un peu de mal à comprendre des
agissements qui prouvent le contraire. Était-ce voulu ? Si oui,
pourquoi autant insister sur ce point ? J'ai donc fermé ce
livre avec pas mal de questionnements en tête.
Le roman se situe à
l'époque Victorienne et, là aussi, j'ai été déçue. Si les
descriptions sont assez bien réussies, j'ai relevé des incohérences
historiques et des erreurs sur les codes sociaux en vigueur à cette
époque. La lecture m'a donc laissé un petit goût amer. C'est le
genre de détail qui peut me gâcher mon plaisir mais qui ne devrait
en rien gêner ceux qui n'y accorde que peu d'importance.
Les personnages sont le
point fort de ce roman, même si j'aurai bien aimé que certains
soient plus développés, comme le majordome où le chasseur de
vampires, laissés en arrière plan alors qu'un traitement plus en
profondeur aurait pu apporter un réel bonus à l'intrigue. Josiah
est chamboulé par sa condition, frustré par le fait de ne pouvoir
se résoudre à abréger son existence, et ses réactions sont
volontiers excessives, marquant avec plus de force cet état de fait.
Abigail, par opposition, est la douceur et la joie de vivre
incarnées, et cet antagonisme bien traité relève davantage le
caractère de chacun.
Le style de l'auteur se
veut adapté à l'époque où évoluent les personnages mais,
personnellement, je n'ai pas trouvé cela très réussi. Les
tournures de phrases, souvent assez lourdes, sont aussi plombées par
les répétitions, l'utilisation intensive de verbes faibles ou des
choix de mots maladroits. Du coup, j'ai été souvent frustrée,
notamment par les dialogues qui rendent rarement la force de
l'instant (pourquoi ne pas avoir juste décrit les cris divers plutôt
que de les mettre sous forme de dialogue ?
Rrrrrrrrhhhhhhhhhhhhaaaaaaaaaaaa !!! Hum, pas
terrible...). De ce fait, la puissance des sentiments éprouvés
n'est pas bien rendue et même la politesse typique de l'époque s'en
trouve alourdie sans que le lecteur ne puisse apprécier le côté
subtil qu'elle devrait avoir.
Bref, voici une histoire
d'amour sans rebondissements, sans surprises, qui conviendra aux
amateurs du genre, désireux de ne pas se prendre la tête avec une
intrigue plus complexe.
Even dead things feel
your love
Mathieu Guibé
Éditions du Chat Noir
276 pages
19,90 euros
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